Alors que la thématique de la “transition juste” entre aujourd’hui au cœur des préoccupations internationales avec la signature d’une “Déclaration internationale sur la transition juste” lors de la COP 26, la question de la place que peut prendre la protection sociale dans cette transition se pose. La sécurité sociale mise en œuvre à l'issue de la seconde guerre mondiale s'est étendue dans un contexte de forte croissance et d'importants gains de productivité peut aujourd'hui être questionnée à l'aune du concept de transition juste.
En effet, dès son origine et tout comme le système de protection sociale, le concept de « transition juste » est fortement axé sur l’enjeu de la protection des travailleurs et des travailleuses. Il était alors porté par des mouvements syndicaux dont l’objectif était de garantir aux travailleurs et aux travailleuses des anciens secteurs de production, notamment fossiles, de ne pas subir de plein fouet la réorientation de l’économie. La définition de la « transition juste » s’est par la suite élargie : elle renvoie aujourd’hui à l’idée que les transitions écologiques et énergétiques doivent être inclusives et ne pas avoir lieu au détriment des plus pauvres et des plus vulnérables. On voit ici d’autant mieux le lien qui pourrait exister entre l’idée d’une « transition juste » et le système de protection sociale dans son ensemble.
Un double enjeu émerge alors. D’une part, la protection sociale peut être un outil permettant de réduire la vulnérabilité aux changements climatiques et aux transitions écologiques et énergétiques des populations défavorisées. D’autre part, la place de la protection sociale elle-même sera questionnée par l’avènement de ces questions de transition juste, notamment dans un contexte de sobriété. Dit autrement, face à l'avènement possible d’un État éco-social tel que défini par Gough (2013), quelle place pourrait ou devrait prendre la protection sociale ?
Cette question est d’autant plus importante que les liens entre protection sociale et écologie ne sont que trop peu investis dans la littérature scientifique actuelle. Barbier et al. (2021) illustrent ce point avec une actualité récente : celle de la Convention citoyenne pour le climat qui, dans son rapport, n’évoque nulle part la protection sociale alors que les prestations sociales représentaient en 742 milliards d’euros en 2018, soit un budget beaucoup plus important que celui de l’État central et concerne à la fois la vieillesse, la maladie, le chômage, la famille, l’exclusion et la dépendance. Elle touche ainsi des catégories dont la fragilité face aux évolutions écologiques sont de plus en plus établis.
C’est justement ce lien entre protection sociale et écologie que ce colloque propose d’interroger, en s’appuyant sur une multidisciplinarité forte à partir de travaux inscrits dans une diversité large de disciplines : économie, droit, géographie, gestion, histoire, sciences de l’ingénieur, sociologie, etc. Les communications devront s’inscrire dans l’un des six axes suivants.
Quelle place pour les débats sur le rôle de la croissance dans le financement de la protection sociale (Viennot, 2020), mais aussi sur les modes de financement (impôts, cotisations, assiette, taux, etc.) ? De nouveaux modes de financement sont-ils mobilisables au XXIe siècle ?
Comment les organismes de protection sociale peuvent-ils se renouveler pour devenir « plus verts » dans leur pratique et leur gestion ? Quels acteurs ou actrices de la protection sociale peuvent participer à ces changements et quelle en serait la gouvernance ? Ces mutations ont-elles des effets pervers, comme l’affaiblissement de la proximité avec les usagères et les usagers de ces services, et le cas échéant y a-t-il des moyens d’y pallier ?
Les biens et services solvabilisés par le système de protection sociale peuvent-ils devenir pleinement écologiques ? Il s’agit d’abord de questionner la pertinence de cette question et des risques potentiels de la mise à l’agenda de cette problématique. Par ailleurs, quels mécanismes de politique publique permettraient une performance accrue d’un point de vue écologique de ces biens et services ?
Comment lier nouveaux risques socio-écologiques et écologie des anciens risques sociaux restants à couvrir ? En somme, comment concilier les objectifs de long terme de protection de la planète et des populations, et les impératifs immédiats de solidarité et de redistribution pour sortir de la contradiction qui verrait s'opposer la « fin du monde » à la « fin du mois » ? Ce quatrième axe vise à explorer les récits possibles incluant la protection sociale des années et décennies à venir.
Comment les perspectives françaises et européennes peuvent-elles se nourrir d’autres expériences à l’international ? Les processus mis en place dans les Suds sont-ils comparables avec ce qui se produit dans le contexte des Nords, tant en matière de maturité des systèmes que des pratiques ?
Comment ces questions se posent-elles à différents échelons territoriaux ? Certains territoires peuvent-ils plus facilement devenir « plus verts » du point de vue de la protection sociale ?
Toute contribution sur ces thèmes, ou ayant trait plus globalement aux liens entre protection sociale et enjeux environnementaux, sont les bienvenues. Des sessions en français et en anglais sont possibles en fonction des réponses qui seront reçues.
Le colloque sera construit en deux temps, le matin s’appuiera sur l’organisation de sessions constituées à partir des réponses faites à cet appel. L’après-midi sera quant-à-elle structurée autour de trois tables rondes thématiques portant sur la digitalisation, les territoires et le financement de cette protection sociale écologique. Si vos travaux se rapportent à un de ces thèmes, vous pouvez le préciser dans votre proposition. En fonction des propositions reçues, une valorisation collective pourra être envisagée.
Date de soumission : 30 juin 2022 Date de réponse : 15 juillet 2022
Réponse à envoyer à: alexandre.berthe@univ-rennes2.fr et anais.henneguelle@univ-rennes2.fr
While the theme of the "just transition" is now at the heart of international concerns with the signing of an "International Declaration on Just Transition" at COP 26, the question of the place that social protection can take in this transition arises. Social protection, developed at the end of the Second World War in France, is today an old tool, but its renewal is questioned by this perspective of a just transition and of an ecosocial state.
Indeed, from its inception, the concept of "just transition", like the social protection system, has been strongly focused on the protection of workers. It was brought about by trade union movements whose objective was to guarantee that workers in the old production sectors, particularly fossil fuels, would not be hit hard by the reorientation of the economy. The definition of "just transition" has subsequently been broadened: it now includes the idea that ecological and energy transitions must be inclusive and not take place at the expense of the poorest and most vulnerable. We can see here more clearly the link that could exist between the idea of a "just transition" and the social protection system as a whole.
A double challenge emerges. On the one hand, social protection can be a tool for reducing the vulnerability of disadvantaged populations to climate change and ecological and energy transitions. On the other hand, the place of social protection itself will be questioned by the advent of these issues of just transition, particularly in a context of sobriety. More globally today, faced with the possible advent of an eco-social state as defined by Gough (2013), what place could or should social protection take?
This question is important as the links between social protection and ecology are only poorly explored in the current scientific literature. Barbier et al (2021) illustrate this point with a recent news item: that of the Citizens' Climate Convention which, in its report, makes no mention of social protection.
This conference seeks to rely on a strong multidisciplinary approach by inviting works from a wide variety of disciplines: sociology, economics, law, management, geography, history, engineering sciences, etc. The papers presented at this conference will fall under one of the following six headings.
What sources of financing are best suited to finance social protection in the 21st century? What place in this context for debates on the role of growth in financing social protection (Viennot, 2020), but also on the modes of financing (taxes, contributions, base, rates, etc.)?
How can social protection organizations renew themselves to become greener? In this context, how can recent changes linked to digital technology, the main tool currently used to implement greener social protection within the funds, modify the activity of these organizations but also the organization of work? Do these changes have perverse effects, such as the weakening of proximity with the users of these services, and if so, are there ways to counteract them?
Can the goods and services solvented by social protection become ecological? First, we need to question the relevance of this question and the potential risks of putting this issue on the agenda for social protection. Furthermore, what mechanisms would allow for an improved performance of these goods and services from an ecological point of view?
How could renewed social protection participate in a vision of a social-ecological future that remains to be built? How can we link new ecological risks and the ecology of old risks to be covered? This last axis aims to explore possible narratives including social protection in the years and decades to come.
How can French and European perspectives be fed by other international experiences? Are the processes put in place in the South comparable with what is happening in the context of the North?
How do these questions emerges at different territorial scales? Can some territories include more easily some ecological concerns in a social protection’s perspective?
Any contribution on these themes, or more generally on the links between social protection and environmental issues, is welcome. Particular attention will be paid to works relating foreign experiences, in developed or developing countries, which could feed the reflection on the French context. Sessions in French and English are possible depending on the responses to the call.
The conference will be built in two parts, the morning will be based on the organization of sessions based on the responses to this call. The afternoon will be structured around three thematic round tables on digitalization, territories and the financing of this ecological social protection. If your work relates to one of these specific themes, you can specify it in your proposal. Depending on the articles obtained, a collective valorization could be envisaged.
Submission date: June 30, 2022
Response date: July 15, 2022
Response to be sent to: alexandre.berthe@univ-rennes2.fr and anais.henneguelle@univ-rennes2.fr
Références citées / Cited references
Barbier, Jean-Claude, Zemmour, Michaël et Théret, Bruno (2021). Le système français de protection sociale, Paris, La Découverte
Gough, Ian (2013), Climate Change, Social Policy and Global Governance, Journal of International and Comparative Social Policy, 29, n°3, pp.185 - 203.
Viennot, M. (2020). Notre modèle de protection sociale est-il soutenable?. Regards, (2), 85-94